Le principal objectif de l'Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation (OCFJR) est d'établir une attention nationale et visible sur les réponses sociales et étatiques relatives au fémicide au Canada. Ce faisant, une partie de nos activités consisteront à comprendre les variations dans la disponibilité des ressources et des initiatives de prévention au pays, y compris les lois, les politiques publiques, les plans d'action, les campagnes, etc.
Plus précisément, le OCFJR entreprendra de documenter ce qui est présentement disponible dans chacune des 13 provinces et territoires du Canada comme première étape en vue de comprendre si et dans quelle mesure la capacité de prévenir la violence faite aux femmes, y compris le femicide, varie d'un bout à l'autre du pays. Cette activité est perçue comme une stratégie de mobilisation des connaissances à grande échelle et engagée par la communauté qui permet de mettre en évidence ce qui est accessible, où et pour qui en matière de prévention de la violence contre les femmes, y compris le fémicide. L'importance internationale et nationale de cette démarche est examinée ci-dessous.
Contexte général
Dans une analyse internationale récente de la législation concernant la violence à l'égard des femmes, les pays qui avaient une législation contenant des éléments clés recommandés par l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et les Nations Unies (ONU) pour aider à renforcer la prévention de la violence à l'égard des femmes et à offrir une protection, un soutien et des soins mieux intégrés aux victimes ont été identifiés.
Le Canada ne figurait pas sur la liste.
Dans l'étude menée par Ortiz-Barreda et Vives-Cases (2013), les pays ont été inclus dans l'analyse s'ils avaient une législation ciblant la violence à l'égard des femmes (VFF), la législation incluait l'utilisation de tout terme courant lié à la VFF, y compris la violence entre partenaires intimes, et faisait référence à au moins deux des six secteurs identifiés comme faisant partie intégrale des interventions en matière de violence à l'égard des femmes pour la protection, le soutien et les soins aux victimes (éducation, santé, système judiciaire, médias, police et services sociaux).
Le Canada n'avait pas une telle législation.
Au moment de l'étude précitée, l'Initiative canadienne de lutte contre la violence familiale représentait le cadre applicable en matière de VFF. Récemment, le gouvernement canadien a mis en œuvre la Stratégie canadienne de prévention et de lutte contre la violence fondée sur le genre (VFS) qui "s'appuie sur les initiatives fédérales actuelles, coordonne les programmes existants et établit les fondements d'une action plus vaste contre la VFS"[http://www.swc-cfc.gc.ca/violence/strategy-strategie/index-fr.html].
Il reste à voir si le Canada s'en tirerait mieux si l'étude était menée ultérieurement.
Toutefois, la compréhension des variations dans le contexte canadien est tout aussi importante. En quoi la distribution des ressources et des initiatives varie-t-elle d'un bout à l'autre du pays? Cette question a été soulevée dans un rapport publié en 2013 par le Centre canadien de politiques alternatives intitulé "La disparité dans la disparité entre les genres: Violence à l'égard des femmes au Canada" (v.o.a: The Gap in the Gender Gap: Violence Against Women in Canada). Le rapport a reconnu qu'il n'était pas possible d'établir des corrélations entre la législation ou les politiques locales, régionales ou nationales et les taux de violence à l'égard des femmes parce qu'il n' existe pas actuellement suffisamment d'informations publiques documentant les données requises pour le faire. On a toutefois noté que sept des 13 provinces et territoires avaient des politiques ou des plans d'action précis pour lutter contre la violence conjugale, deux avaient des politiques globales pour lutter contre la violence faite aux femmes et deux avaient des politiques ou des plans d'action autonomes pour lutter contre l'agression sexuelle. Cela suggère une variation à l'échelle la plus superficielle, ce qui soulève la question de la nature des résultats si l'on disposait de renseignements plus détaillés.
Il est reconnu depuis longtemps que les lois ou les politiques nationales, si elles sont disponibles, sont applicables à l'échelle de la province ou de l'État, ce qui signifie souvent que les lois ou les politiques provinciales/territoriales varieront au niveau régional ou local. Par conséquent, si aucun mandat national n'existe, les initiatives et les ressources provinciales et territoriales en matière de prévention sont susceptibles de varier selon diverses dimensions. Les résultats de la justice peuvent également varier d'une juridiction à l'autre, malgré la législation pénale fédérale. Cela est dû en partie au fait que les politiques, les programmes et les pratiques (juridiques et autres) sont administrés dans des contextes distincts qui diffèrent selon le contexte sociopolitique, le financement et les ressources disponibles ainsi que les types de victimes, d'auteurs et de crimes les plus courants.
Même avec des informations plus détaillées, il serait difficile d'établir des corrélations entre ce qui est disponible et les taux de violence à l'égard des femmes, y compris le fémicide. Comme nous l'expliquons dans la section Prévenir le fémicide de ce site Web, aucun facteur ne peut à lui seul expliquer la violence et aucun facteur ne peut à lui seul déterminer comment prévenir la violence. Cependant, il demeure important de comprendre si les provinces et les territoires sont également outillés dès le départ pour prévenir la violence contre les femmes, y compris le fémicide. Autrement dit, il est crucial de comprendre le contexte dans lequel se produit le fémicide et s'il existe un accès équitable à la justice pour toutes les femmes et les filles au Canada.
L'un des objectifs de l'Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation est de commencer à rassembler systématiquement en un seul endroit ce que nous savons des ressources et des initiatives de prévention disponibles dans tout le pays.
Lors du lancement du site Web de l'OCFJR, les profils fédéral-provinciaux-territoriaux de prévention se concentrent uniquement sur la législation - en regroupant toutes les lois qui sont censées fournir des cadres, des directives ou des ressources qui sont censées contribuer à la prévention de la violence faite aux femmes et aux filles, y compris les fémicides. Au fur et à mesure que nous avancerons, nous déterminerons la pertinence de la loi en ce qui a trait à la prévention de la violence faite aux femmes et l'OCFJR continuera de bâtir cette information.
Bibliographie
McInturff, Kate. 2013. The Gap in the Gender Gap: Violence Against Women in Canada. Ottawa: Canadian Centre for Policy Alternatives.
Ortiz-Barreda, Gaby and Carmen Vives-Cases. 2013. Legislation on violence against women: Overview of key components. Rev Panam Salud Publica 33(1):61–72.