Définir et mesurer le fémicide

Définir et mesurer le fémicide

Le fémicide, qui désigne les meurtres de femmes et de filles liés au sexe ou au genre, est reconnu comme la forme la plus extrême de violence dans un continuum de violence masculine et de discrimination à l’égard des femmes et des filles. Toutefois, les discussions se poursuivent au niveau mondial sur la définition du fémicide, sur les raisons pour lesquelles il se distingue des autres homicides et sur la manière dont ces différences peuvent être mesurées afin de mieux identifier les meurtres de femmes et de filles liés au sexe ou au genre.

Ces questions sont cruciales pour au moins trois raisons :

  • Produire et comprendre efficacement les statistiques sur les fémicides dans et entre les pays, y compris les diminutions et les augmentations de cette forme de violence ;
  • Déterminer des initiatives de prévention et d’intervention plus efficaces ainsi que des sanctions appropriées pour les délinquants ; et,
  • Sensibiliser et améliorer l’éducation du public et des professionnels, notamment en contribuant à l’élaboration d’une formation plus poussée pour les personnes qui interviennent dans les cas de violence liée au sexe ou au genre à l’encontre des femmes et des filles et/ou en déterminant des sanctions appropriées pour ces crimes.

Plusieurs documents clés ont contribué de manière significative à ces discussions, en s’appuyant sur des décennies de recherches menées par des activistes féministes, des défenseurs et des universitaires, principalement dans le domaine des sciences sociales et du droit. La première publication est le Protocole latino-américain pour l’enquête sur les meurtres de femmes liés au genre (fémicide/féminicide) (ci-après dénommé « le protocole » ; Sarmiento et al., 2014), qui décrit comment le fémicide peut être identifié en examinant les contextes entourant le fémicide et ses différents sous-types (par exemple, le fémicide par un partenaire intime, le fémicide familial). Si le protocole vise spécifiquement à améliorer les enquêtes de la justice pénale, il constitue également un point de départ essentiel pour les chercheurs dont les objectifs sont de mieux conceptualiser et mesurer le fémicide, de documenter plus précisément les tendances au sein des pays et d’un pays à l’autre, et de contribuer à l’élaboration d’efforts de prévention plus nuancés.

La deuxième publication est la Loi type interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’éradication des meurtres de femmes et de filles liés au genre (fémicide/féminicide)  (Organisation des États américains, 2018). Avec la législation propre à chaque pays également détaillée dans ce document, la loi type identifie les contextes et les circonstances dans lesquels le fémicide se produit, ce qui peut être utilisé comme une base solide sur laquelle ces meurtres peuvent être considérés comme un crime distinct dans n’importe quel pays, y compris le Canada. Tout effort visant à mettre en œuvre une législation ou des infractions spécifiques au fémicide doit s’appuyer sur ces deux documents et sur les recherches connexes pour réfléchir à la manière de formuler une telle législation ou de telles infractions dans des juridictions spécifiques. Ces deux publications abordent également les raisons pour lesquelles les pays devraient considérer le fémicide comme un crime distinct ou l’inclure dans leur législation, ainsi que les différentes façons de le faire. La section II du rapport quinquennal de l’OCFJR (2018-2022) résume certaines de ces connaissances et recherches mondiales.

Plus récemment, s’appuyant sur les nombreuses recherches menées dans ce domaine, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en collaboration avec l’Entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes), a élaboré, dans le cadre de consultations d’experts le Cadre statistique pour la mesure des meurtres de femmes et de filles liés au genre (également appelés « fémicides/féminicides ») (ONUDC, 2022). Le cadre proposé s’aligne sur la Classification internationale des infractions à des fins statistiques, qui est une classification des infractions pénales fondée sur des concepts, des définitions et des principes convenus au niveau international afin de renforcer la cohérence et la comparabilité à l’échelle mondiale. Le cadre statistique des Nations unies identifie dix caractéristiques ou contextes qui reflètent le mode opératoire ou les circonstances indicatives du fémicide et qui peuvent être utilisés comme point de départ pour une collecte de données plus précise. Ces caractéristiques ou contextes sont les suivants :

  • Femmes et filles tuées par leurs partenaires intimes
  • Femmes et filles tuées par des membres de leur famille
  • Antécédents de harcèlement/violence
  • Privation illégale de liberté
  • Utilisation de la force et/ou mutilation
  • Corps abandonné dans un espace public
  • Violences sexuelles commises avant le meurtre
  • Victime travaillant dans l’industrie du sexe
  • Crime haineux motivé par des préjugés à l’encontre des femmes/filles
  • Victime exploitée illégalement

Ce cadre statistique vise à faire avancer les discussions sur la manière dont le fémicide peut être mesuré au-delà de la simple focalisation sur les femmes victimes d’un fémicide lié au partenaire intime ou à la famille, principalement dans la sphère privée, ce qui a été la pratique de l’étude mondiale sur l’homicide de l’ONUDC lorsqu’elle s’est concentrée sur les meurtres de femmes et de filles liés au genre.

Les publications susmentionnées fournissent une solide compréhension et un point de départ utile pour attirer l’attention sur la manière dont les normes sociétales et culturelles plus larges conduisent au fémicide en montrant clairement comment les circonstances de la mort des femmes et des filles sont souvent liées à la discrimination et à la haine des femmes et des filles, et en sont représentatives. Ces mêmes circonstances et contextes sont rarement présents dans les meurtres d’hommes, quel que soit le sexe de l’auteur, ce qui peut également mettre clairement en évidence le « comment » et le « pourquoi » du fémicide en tant que type distinct d’homicide.

Au Canada, l’OCFJR a abordé la conceptualisation et la mesure du fémicide dans ses rapports annuels, en s’inspirant de la recherche mondiale et en y contribuant. Ce travail a été financé, en partie, par le Conseil de recherches en sciences humaines. La chercheuse principale, Myrna Dawson, directrice de l’OCFJR, travaille avec l’équipe de recherche du Centre for the Study of Social and Legal Responses to Violence (CSSLRV) (p. ex., Dawson et Carrigan, 2021). Cette recherche est en cours et plusieurs publications connexes ont été publiées ou sont en cours (voir Notre recherche).

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